Par: Mladenka Perroton
Date: 10. 04. 2015 - 2:15

« Il y a longtemps que nous ne marchons plus jusqu’au fleuve pour chercher l’eau en communauté. Mais pouvons-nous encore longtemps produire des soins, de l’éducation, de l’assistance, et aussi du commerce, des services et de l’industrie, sans prendre le temps de nous connaître et de nous aimer davantage ? Ne risquons-nous pas, tout soigné, éduqué, assisté, vêtu, nourri, servi, de mourir tout simplement de soif, le cœur à sec ? » - Thomas d’Ansembourg, Cessez d’être gentil, soyez vrai ! 
 
Obsolète – notre cœur ?

Comment vous y prenez-vous pour parler avec le cœur ? Je ne parle pas ici des relations amoureuses. Je parle du cœur dans toutes les autres relations : avec notre entourage professionnel, nos voisins, les passants dans le tram, les personnes avec qui nous partageons, en espace d’un weekend ou d’une journée, par exemple, une formation. 
Où est votre cœur lorsque vous vous adressez à la caissière de la Migros, ou lorsque vous êtes au restaurant ? Ou, tiens, tiens, lorsque vous êtes dans une administration, en train de vous renseigner vos droits sur telle ou telle chose ?

N’est-ce pas, vous constatez que parler « cœur » dans les situations citées, vous paraît « hors propos ».  Et pourquoi ?

Le cœur est malmené de nos jours. Il devient presque un tabou. Et plus on refoule son importance, plus alors tout un marché fleurit, qui s’en empare. Les conférences, les ateliers, les sites Internet, les forums, les pages Facebook….en sont que quelques exemples.

On parle du « bien-être », beaucoup plus souvent. C’est le thème ! Dans le moteur de recherche de Google on trouve 81'000'000 (quatre-vingt millions) de résultats à ce thème !!!

On utilise le cœur avec parcimonie. Pas tant que cela le mot, mais son vrai usage !

Il y a des situations, dites, appropriées, et celles qui ne le sont pas.

Avec des amis, c’est OK, avec notre famille, aussi. Avec des voisins, humm, ça peut passer. Et encore, cela dépend qui....

Ce qui ne nous empêche pas de le vivre pleinement à travers un livre, un film, une pièce de théâtre, ou tout autre création artistique. 

Alors que beaucoup d’autres lieux ne sont pas considérés comme propices à son expression.

Sommes-nous en train d’étouffer de ce qu’il y a de plus beau, le plus authentique dans les humains ? 

Le cœur désigne pour moi cette essence même de ce que nous sommes. Notre authenticité. Celle que l’on honore dans certaines cultures, en voie de disparition.

Qu’est ce qui a pollué ces relations « cœur à cœur » ? 

Ce sont nos peurs. D’envahir. De nous faire envahir. De paraître « hors propos ». D’être blessé. De paraître un peu «naïf », pour ne pas dire « un peu simple ».

« Si nous portons un masque et que l’autre porte un masque, ce n’est pas une relation, c’est un bal masqué. L’expérience montre que ces bals masqués sont tristes et désolants. Ils ne rassemblent pas, ils isolent : ils ne font pas rêver, ils empêchent de dormir, ils ne se terminent pas en feu d’artifice, ils rétrécissent en peau de chagrin » * 

Nos cœurs souffrent ! Cette isolation crée des solitudes profondes. Le sens de communauté paraît obsolète, alors que si nécessaire dans notre recherche du sens de vie. Notre recherche du lien avec la nature, avec ses cycles. La compréhension de nos cycles de vie.

Cela résulte par une aliénation de notre propre cœur et notre relation à nous même.

On connaît que fort bien cette tendance à nous en vouloir pour mille et une chose. Notre bourgmestre ne dort jamais.

Le cœur n’aime pas être enfermé. Il manque d’air ! 

Pourtant, on lui inflige tout un training. On lui apprend les codes. S’il déborde, il est vite appelé à l’ordre. Par conséquent, il rétrécit. 

A vouloir vivre « agréablement » nous étouffons nos cœurs ! Nous les disciplinons ! 

Ensuite, nous sommes étonnés à voir que nous sommes devenus radins de cœur avec nous mêmes ! Nous-nous réprimandons fortement pour la  moindre « erreur ». 

Il en résulte que nous avons de moins au moins le goût à explorer. Nous ne voulons pas nous « casser la figure ». Donc nous restons sagement toujours à distance, et surtout à distance avec notre propre cœur. Cette façon de faire, ou plutôt cette façon de vivre fait mourir notre élan vital. 

Laissons parler nos cœurs

Notre cœur nous parle, soyez-en sûrs ! Si vous attribuez votre tristesse, mal être, ennui, stress, surmenage, insécurité, etc à autre chose, c’est que vous ne l’entendez pas.

Il s’est peut être fait tout petit et a besoin de sortir à la lumière !

Il a besoin d’exprimer son courage d’exister, de s’émerveiller, de sourire, de rire, de jouer.

Nous l’avons mis au régime !

Il devient pale figure de ce qu’il a été, lorsque nous étions impatients de débuter la vie ! Et avec lui, nous devenons pâles, aussi.  La petite copie de ce que nous avons rêvé d'être, jadis. A cette époque-là, nous le laissions agir de manière spontané. Il allait en confiance. Il riait avec des parfaits inconnus.

Après, nous lui avons coupé les ailes. Il se méfie.

A regarder comment nous enquêtons sur l'état de quelqu'un  qui n'est pas si proche que cela. 

Lorsque nous prononçons notre fameux « Comment ça va ? ».

Et l’autre, en face, en connaissant les  règles du jeu répondra « Ca va ».

Est-ce que «ça va » vraiment, toujours ? 

Ou, s’agit-il plutôt d’une politesse aseptisée ? Qui aurait tendance à nous faire croire qu’il s’agit d’une relation.

Il est où l’enfant en vous, sous cette carapace de « l’adulte sérieux » ?

Serait-ce incompatible d’être un adulte responsable tout en étant curieux au monde qui nous entoure? A cette dame à côté de nous, à la poste, en train de faire la queue ? A ce Monsieur, mal fagoté, que nous avons tout de suite jugé, en un clin d’œil, en lui collant une étiquette. Cela devient un automatisme, presque, à coller les étiquettes.

Nous en passons notre temps, notre vie, que nous ne voyons même pas « qu’il y a quelque chose de pourri dans le Royaume de Danemark ».

Et nous passons notre temps à chercher les lieux qui nous feront du bien, les beautés, les sensations. Mais cela ne nous satisfait qu’à moitié. Nous dépensons de l’argent pour notre bien être, pour les spa, massages, pour les formations qui nous aident à être plus performants.

Je ne prétends pas que cela est mauvais pour nous. Au contraire. 

Je suggère, simplement, d’amener plus de place pour l’écoute vraie. Pour la  curiosité vraie. De connaître nos collègues, nos voisins. De ne pas avoir peur d’échanger les paroles qui ont plein du sens. Qui ont une vitalité. D’avoir les yeux calmement posés sur l’autre, lorsqu’il nous parle. Nos oreilles prêtes que pour lui, notre cœur aussi, le temps de cet échange. Dédier vraiment toute notre attention dans cet instant même où nous échangeons avec une personne. Que ce soit un connu ou un inconnu. 

Sourire à la personne que nous croisons. Qu’est ce que cela fait du bien, que de sourire et de voir l’autre sourire. On est guéri de mille maux par ce geste simple de notre visage qui se transforme et transforme, au passage, l’autre.

Il n’est jamais tard

Nous pouvons nous déprogrammer de ces mauvais schémas qui nous nuisent. Cela peut commencer par les simples gestes. 

1.  Passez un moment, le matin, et ceci avant de vous lever, avec votre cœur.  Prenez « sa température ». Je vous ai parlé, dans mon article « Les mots comme de la musique » de ce petit rituel matinal « prendre le bain des mots ». C’est puissant ! Si votre cœur se sent « tout petit » par certains matins, donnez-lui un bain des mots  qui le nourrissent. Tels que : l’amour, bonté, chaleur, soleil, rires, légèreté,  joie, amour, amour, amour…Exagérez vraiment la répétition de ce mot, vous verrez son impact est miraculeux !

2.  Soyez présent à l’autre. Sans faire des suppositions. Sans juger. Vous avez en face de vous une personne qui connaît tout comme vous, ce que c’est d’aimer, souffrir, apprendre, pleurer, rire….C’est un exercice, vous n’avez rien à perdre. Prêtez-vous à ce jeu, vous pouvez toujours "redevenir ce que vous étiez  avant"cet exercice.

3.  Souriez à un inconnu/une inconnue, sans rien attendre en retour. Même pas qu’il (elle) vous rende la pareille. Peut être la première fois cela ne « le fera pas », cela vous fera vous sentir tout bizarre. Mais votre cœur s’ouvrira déjà à ce geste. En l’éduquant ainsi, c’est lui qui vous rendra la pareille : sourire contre sourire J !

Le soir, une fois de retour chez vous, vous pouvez faire comme nous le faisons, dans ma famille. Nous passons un moment à débriefer sur nos émotions de la journée.

Avec mes enfants on a donné les couleurs suivantes aux émotions :

Rose – Journée merveilleuse
Verte – Journée bien
Bleu – Journée calme, mais un peu ennuyeuse
Violet – Journée « stressée » 
Jaune – Journée « contrariée »
Orange – Journée « fâchée »
Rouge – « Journée « triste et fâchée » 
(toutes les expressions sont celles de mes enfants)

C’est notre manière, à nous, de laisser parler nos cœurs. C’est un chemin qui mène à ouvrir nos cœurs, à priori à nous mêmes, honorer nos sentiments chacun vis-à-vis de soi, et ensuite vis-à-vis de notre groupe (famille).

Cela me paraît une manière saine à laisser ce canal de vitalité et de confiance ouvert et laisser nos cœurs parler librement.
Permettez à votre cœur de s’exprimer. Il en trouve mille manières. 

Déprogrammons nous de nos mauvaises habitudes. 

Il n’est secret pour personne : les seules choses qui nous viennent à l’esprit dans les moments de tristesse, maladie, désespoir sont celles qui ont été faites par le cœur. 

Pourquoi alors ne pas le laisser utiliser son langage qui nous fait tellement du bien, et ceci sans modération J ? 
 
* Thomas d’Ansembourg – Cessez d’être gentil, soyez vrai !

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